Découvrez l’article publié par L’Usine Digitale le 02 avril 2019
Cette semaine, Pascal Agosti, du cabinet d’avocats Caprioli & Associés, revient sur la réglementation en matière d’archivage électronique au travers d’une décision de la Cour d’appel de Paris du 19 mars 2019 opposant une société d’assurance à l’un de ses adhérents.
L’archivage électronique ne se suffit pas à lui-même. Ce n’est pas parce qu’une entreprise indique que le document numérisé n’est plus accessible via une Gestion Electronique de Documents (GED) qu’elle peut mettre en doute légitimement une preuve “solide” transmise par son contradicteur. Telle est la teneur d’une décision de la Cour d’appel de Paris en date du 19 mars 2019.
Société d’assurance et faillibilité de la Gestion Electronique des Documents
Cette décision oppose une Société d’assurance à un de ses adhérents ayant conclu un contrat de prévoyance aux motifs que, selon elle, ce dernier n’aurait pas déclaré son accident intervenu le 3 janvier 2014 (la date est importante). Les juges d’appel rappellent fort justement, en s’appuyant sur l’ancien article 1315 (nouvellement 1353) du Code civil, que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.
Dans les faits, la Société d’assurance faisait valoir que son adhérent n’avait pas déclaré son sinistre dans les délais contractuels et n’avait transmis aucune pièce nécessaire à la prise en charge de l’accident. L’adhérent réplique avoir déclaré son sinistre par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 3 janvier 2014.
En fonction de ce retour, la Société d’assurance effectuait des suppositions concernant le contenu de ce courrier (il aurait été question d’un rendez-vous avec les services commerciaux) mais sans en produire le contenu car il était dans l’impossibilité de le vérifier au motif qu’il ne figure pas dans son système d’archivage et de conservation des dossiers (la GED). Il est pourtant certain qu’un courrier recommandé a bien été envoyé le 3 janvier 2014 et reçu le 6 janvier suivant.
La Société d’assurance prétextait qu’elle aurait nécessairement été scannée par ses soins et retransmise aux services de gestion concernés. La preuve de la mauvaise foi de l’adhérent ne pouvait donc être rapportée.
On notera avec intérêt que le Juge a remis en cause le système de GED en indiquant que “l’utilisation de ce système et les données recueillies sont loin d’être infaillibles“. Dès lors, les demandes de la Société d’assurance n’ont pu prospérer.
De l’importance de ne pas faire n’importe quoi en archivage…
Cette décision met en exergue différents points essentiels pour une entreprise désireuse de mettre en place une GED :
- Le premier est relatif à une attestation de conformité du système de GED. Pour ce faire, des normes d’archivage existent. Elles permettent de démontrer la fiabilité d’un tel système et constituerait un atout non négligeable pour rapporter la preuve d’un document et de son contenu comme le rappelle une décision de la Cour d’appel de Paris le 11 février 2016 qui appuyait sa décision de prendre en compte des documents numérisés compris dans une GED sur une attestation d’audit de conformité à la norme Z42-013. Désormais, la GED pourra également faire référence à la norme Z42-026 ;
- Le second a trait à l’importance de la mise en place de pratiques d’archivage en interne selon des principes archivistiques, pratiques très vivantes comme le démontre le dernier événement de l’Association des Archivistes de France en avril 2019 à St Etienne.
L’archivage est consubstantiel de la preuve, puisque ne pas ou mal archiver risque de ne pas permettre de rapporter la preuve de ses droits. A bon archiveur salut !
Pascal Agosti, avocat associé, docteur en droit